Veranstaltungsprogramm

Notre communication porte sur l’enseignement/apprentissage dans la structure au service de la pédagogie des transitions (Truffer Moreau, 2020), Nous nous intéressons plus particulièrement à la Réunion, composante de cette structure, qui s’articule/interagit étroitement avec le jeu initié par les enfants. Pour faire maturer le jeu, les interventions de l’enseignant∙e peuvent être directes ou indirectes (Clerc Georgy & Kappeler, 2020), nous envisageons la Réunion comme une intervention indirecte, car elle a lieu en dehors du jeu. La réflexion collective des élèves, médiatisée par l’enseignant∙e après les activités qu’ils ont initiées, devrait permettre la conscientisation de savoirs disciplinaires et fondamentaux, potentiellement réinvestis au service des jeux des enfants. L’usage du cahier de réunion semble une pratique propice à la conscientisation de ces savoirs.

Cadre théorique

La structure pédagogique, cadre théorique dans lequel s’inscrit notre communication, articule plusieurs composantes qui sont intimement reliées entre elles :

- Le savoir, unité centrale de liaison entre les composantes ;

- Les activités initiées par les enfants (AIES), telles que le jeu de faire semblant et les activités productives, qui permettent de rendre compte du curriculum émergent ;

- La réunion qui est organisée par l’enseignant∙e à partir des observations faites dans les jeux à l’initiative des enfants ;

- Les activités initiées par les enseignant∙es, situations d’interactions modélisées et médiatisées par l’adulte en lien avec les activités initiées par les enfants.

L’observation des AIES est essentielle afin de saisir les opportunités de tisser des liens avec les savoirs disciplinaires et fondamentaux. Les enfants donnent à voir, en actes, des connaissances embryonnaires qu’il s’agit d’identifier et de relier à un savoir prescrit.

L’intervention indirecte dans le jeu de l’enfant qui s’actualise lors de la réunion est une invitation à explorer des savoirs issus du PER, sachant qu’il appartient ensuite aux enfants de saisir ces opportunités ou non pour les réinvestir dans le jeu (Pramling et al., 2019).

Mettre par écrit ce qui est discuté et mis en évidence par les élèves et l’enseignant∙e dans les Réunions permet de garder des traces des processus d’apprentissage en cours et de rendre manifestes les savoirs prescrits. Rédiger, schématiser ou dessiner ce que les élèves relèvent sont des pratiques que l’usage d’un cahier de réunion induit et que nous analyserons afin d’identifier ce qui s’y joue en termes d’appropriation de savoir scolaires.

Nous cherchons précisément à comprendre comment le cahier de réunion permet de conscientiser les savoirs langagiers et fondamentaux au service des Activités Initiées par les Enfants (AIES).

Méthodologie et résultats

Nos données sont issues d’une recherche menée durant 18 mois dans une classe de 1-2H en Suisse Romande (Michelet et al., 2022 ; Paccolat et al., 2022 ; Tobola et al., 2024) dans laquelle l’enseignante fait un usage régulier d’un cahier de Réunion. Dans le cadre du symposium, nous analyserons des Réunions sur une même thématique. Nous réaliserons une analyse de contenus de la transcription des interactions de cette Réunion ainsi qu’une analyse des traces produites dans le cahier d’une manière plus large.

Les premiers résultats mettent en lumière :

- Le processus qui, dans les interactions, soutient la réflexion, la conscientisation, la validation et l’institutionnalisation ;

- Les contenus institutionnalisés en lien avec les savoirs prescrits.

Afin d’illustrer nos résultats nous présenterons des extraits des interactions et des traces du cahier de réunion.

Le jeu de faire semblant joue un rôle central pour le développement et les apprentissages des jeunes élèves. En outre, il soutient le développement de la pensée mathématique chez les jeunes élèves. Il appartient donc aux enseignants de mettre en œuvre des interventions ciblées qui soutiennent les apprentissages des élèves et qui ne cassent pas le jeu de faire semblant pour autant. Or, de nombreux enseignants ne soutiennent pas le développement du jeu et des apprentissages lorsque l’activité de jeu est initiée par les élèves. Dans la littérature, il existe plusieurs modèles des interventions enseignantes lors du jeu de faire semblant. Cependant, il n’existe pas de consensus quant aux éléments de définitions relatifs aux stratégies d’interventions, aux positionnements et rôles de l’enseignant. Cette lacune entraîne des tensions entre certains modèles. De plus, il existe peu de recherches qui se sont intéressées aux interventions de l’enseignant lorsqu’il a pour but de soutenir le développement du jeu de faire semblant et de la pensée mathématique. En s’appuyant sur les apports issus du courant vygotskien et néo-vygotskien, cette étude examine les stratégies d’interventions enseignantes mobilisées lors d’activités de jeu de faire semblant initiées par des élèves de 5 ans dans le canton de Vaud. Quatre enseignantes ont participé à une formation continue pendant une année scolaire avec deux formatrices expertes des apprentissages dans les premiers degrés de la scolarité. Cette formation a pris la forme d’une Lesson Study (LS) portant sur la saisie des opportunités d’enseignement-apprentissage mathématiques lors d’activités de jeu de faire semblant à l’initiative des élèves. Les enseignants et les parents ont signé un formulaire de consentement validé par l’université de Genève. Ces vidéos ont été analysées selon la méthode par comparaison constante pour faire émerger les stratégies d’intervention des enseignantes. Les résultats montrent que les enseignantes ont mobilisé un large éventail de stratégies d'intervention lors des activités de jeu de faire semblant. Ainsi, cette étude soulève la possibilité que les enseignantes aient bénéficié de la formation continue pour explorer différents types de stratégies d'intervention. L’articulation entre les stratégies d’intervention mises en lumière dans les résultats de cette étude empirique et les éléments du cadre théorique permet de discuter un nouveau modèle d’intervention des enseignants dans le jeu de faire semblant lorsqu’ils ont pour but le développement de la pensée mathématique et du jeu de faire semblant. Ce modèle a des implications pour la recherche et la formation des enseignants tant au niveau initial que continu.

Cette communication découle d’une recherche en didactique des apprentissages fondamentaux. Il s’agit d’une étude de cas ethnographique inscrite dans une perspective historico-culturelle. Menée dans deux classes de 3-4H (N=39 enfants ; 7-8ans) en Suisse francophone, elle consistait à intégrer du matériel numérique débranché (hors d’état de fonctionnement) lors du jeu de faire semblant (JFS). Les données vidéo (11 heures) ont été prises sur trois matinées. Le jeu fut guidé ou laissé entièrement à l’initiative de l’enfant, le matériel numérique débranché fut associé ou pas au matériel traditionnel.

Le JFS est un espace où les enfants créent des rôles, des scénarios et des règles, réinterprètent leur compréhension du monde et développent des habiletés cognitives, sociales, motrices, affectives et langagières (Clerc-Georgy et al., 2020). L’introduction dans le PER de l’éducation numérique (EdNum) en 2021 répond aux réalités sociales et culturelles du XXIe siècle. Utiliser le numérique dans l’enseignement crée un innovant espace d’apprentissage (Fleer, 2020).

Les effets de ce dispositif ont été analysés à l’aide de plusieurs concepts, notamment celui de jeu « convergent » (Edwards, 2020), où les outils numériques et traditionnels se mélangent ainsi que le concept d’affordance (Paveau, 2013), qui désigne la capacité d'un objet à guider son utilisation. Il a été pointé quelle(s) affordance (s) les élèves donneraient au matériel débranché. L’affordance désigne la propriété d’un objet, elle indique quelle relation l’individu doit avoir avec lui (Paveau, 2013).

L’observation a évalué l’intégration du matériel numérique débranché lors de JFS car il s’agit de l’activité la plus porteuse de grains développementaux (Bodrova & Leong, 2011) puis a observé ses effets sur les activités des enfants et le genre. Ses limites sont que les prises de données ne soient pas longitudinales. Les résultats révèlent que le matériel numérique débranché fut utilisé de manière consensuelle ou créative. Lorsqu’il devient central, il réduit le nombre d’enfants impliqués, le numérique EST le jeu, son affordance est détournée en une affordance d’adaptation scénaristique. Lorsque le jeu est centré sur le scénario, le matériel numérique devient secondaire et fait partie du jeu comme n'importe quel autre matériel. Quand le JFS est centré sur le scénario, le nombre d’enfants est plus conséquent et en mouvance. Ces utilisations du numérique s’inscrivent dans un processus d’adaptation culturelle, où les enfants réinventent les objets en fonction de leurs propres besoins et de leur interprétation du monde.

Les résultats ont identifié des comportements stéréotypés de genre. Les garçons ont tendance à accumuler le matériel numérique avant de jouer, les filles l’intègrent dans leurs scénarios. Des micro-agressions ont été observées, des garçons empêchant parfois les filles d’utiliser le matériel débranché. Le numérique crée un enjeu de pouvoir à ne pas négliger. Le jeu dirigé a favorisé la mixité et encouragé les filles à s'intéresser davantage au matériel numérique. L’introduction du matériel numérique débranché a des effets sur les JFS, les enfants ne se contentant pas de reproduire des scènes de leur réalité quotidienne, mais y reproduisent des séries TV, intègrent des projections futures, ou inventées.

Il est nécessaire aux enseignants d’observer attentivement les JFS et de déconstruire les stéréotypes de genre. Avec une posture co-joueuse, en guidant l’orientation motrice des élèves vers le numérique (Fleer, 2020), en adoptant une posture axée sur des questions ouvertes plutôt que sur le matériel en lui-même (Devi, 2021), l’enseignant aide ses élèves à acquérir des gains développementaux et des apprentissages fondamentaux essentiels en plus d’éveiller leurs compétences et compréhensions des outils numériques. A travers cette communication seront proposées des pistes didactiques découlant de cette recherche.