Genre et intersection des vulnérabilités au travail
Président(s) de session: Marie LABERGE (Université de Montréal, Canada)
intervenant(s): Sandrine CAROLY (Université Grenoble Alpes - Laboratoire PACTE), Audrey DUPONT (Université de Montréal), Marie LABERGE (Université de Montréal), Jessica RIEL (Université du Québec en Outaouais (UQO)), Karen MESSING (Université du Québec à Montréal (UQAM))
Malgré tous les progrès remarqués dans les milieux de travail, d’importants écarts demeurent en matière d’égalité. Des écarts de salaire existent encore entre les femmes et les hommes, (Gharehgozli, et Atal, 2020). Les femmes sont aussi plus souvent touchées par les TMS non reconnus comme associés au travail, ce qui peut réduire leurs possibilités d’avoir des indemnités de revenu ou des soins adéquats en réadaptation professionnelle (Lippel, 2012). Elles continuent également d’être sous-représentées au sein de la hiérarchie et dans les postes décisionnels (Ng et Sears, 2017; Catalyst, 2021). Cet écart est encore plus important pour les femmes cumulant certaines caractéristiques intersectionnelles comme les femmes issues de l’immigration ou handicapées (McGee, 2018).
Favoriser l’inclusion de personnes avec des profils variés profite à tous les acteurs du monde du travail et présente plusieurs avantages, tels que la mise à profit de plusieurs types de talents et compétences, l'amélioration des relations de services avec la clientèle, la promotion de la créativité et de l'innovation, ainsi que l'émergence d'opportunités de flexibilité. Cela permet également de faire face aux pénuries de main-d’œuvre et aux changements démographiques (Udin et al., 2017).
L’analyse comparative selon le sexe et le genre + (ACSG+) est un processus analytique qui vise à évaluer les inégalités systémiques (Cameron et Tedds, 2020). Il s’agit d’un regard qui permet de déterminer comment différents groupes de femmes, d’hommes ou de personnes partageant des facteurs identitaires communs (p.ex. le parcours migratoire, la classe sociale, le handicap, l’âge) peuvent être exclus ou au contraire, être avantagés par une politique, un programme ou une configuration particulière du travail. Ce processus exige d’analyser les mécanismes inscrits dans la conception du travail qui blessent ou qui usent certaines catégories de personnes plus que d’autres, selon leurs caractéristiques identitaires. Ces mécanismes, contrairement à la préconception de base, ne sont pas inscrits dans les facteurs personnels, mais relèvent davantage des cultures de métier, des valeurs ou des normes sociales qui tacitement, favorisent l’exclusion des certains groupes.
Plus spécifiquement en lien avec le thème du congrès de la SELF 2022, le 21e siècle est marqué par de grands changements qui révèlent à la fois des avancées technologiques et sociales, mais aussi certains défis qui peuvent compromettre la santé et la performance (climat, pandémies, précarité, etc.). Ces évolutions ne sont pas vécues de la même manière par les femmes et les hommes (McGee, 2018). Les iniquités perpétuées ou nouvelles appellent à intégrer de nouveaux concepts et de nouveaux modèles d’intervention. Par exemple, les modifications du rapport au travail avec l’évolution rapide des technologies a accéléré l’exclusion de certaines populations pour qui l’insertion professionnelle représentait déjà un défi. Par ailleurs, les régions socio-économiques éloignées des centres de décision vivent également des situations de vulnérabilité en termes de recrutement des acteurs de proximité qui peuvent fournir des services de base aux citoyens (éducation, soins, commerce).
Peut-on imaginer que l’ergonomie adopte un nouveau regard sur le travail qui lui permettrait de détecter, là où elles existent, les injustices systémiques et qu’elle développe ensuite des moyens d’action pour les réduire? Dans le cadre de ce symposium, c’est cette question qui sera mise en débat par les conférencières et aux conférenciers.
1. Cameron, A. and Tedds, LM. 2020. Gender-Based Analysis Plus (GBA+) of Two Policy Alternatives: Basic Income and Basic Services. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3781914 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3781914
2. Connell, R. W. (2005). Masculinities. Berkeley and Los Angeles, University of California Press
3. Catalyst (2021). Women in the Workforce: Global (Quick Take). Retrieved from http://www.catalyst.org/knowledge/statistical-overview-women-workforce (Feb, 2021)
4. Gharehgozli, O; Atal, V. 2020. Revisiting the gender wage gap in the United States. Economic Analysis and Policy, 66, 207-216.
5. Lippel, K. 2012. La reconnaissance des maladies professionnelles au Québec : enjeux pour les travailleuses et les travailleurs. Journée d’étude sur les inégalités de genre et les maladies professionnelles, ÉTUI. Bruxelles, le 31 janvier 2012.
6. McGee, K. 2018. The influence of gender, and race/ethnicity on advancement in information technology (IT). Information and Organization, 28(1), 1-36.
7. Ng, E.S., Sears, G.J. 2017. The glass ceiling in context: the influence of CEO gender, recruitment practices and firm internationalization on the representation of women in management. Human Resource Management Journal, 27(1), 133-151.
8. Udin, S.H; Ahyar Yuniawan, S; Wahyudi, S; Wikaningrum, T. 2017. A systematic literature review of managing workplace diversity for sustaining organizational competitive advantage. International Journal of Mechanical Engineering and Technology (IJMET), 8(12), 398–406.
Présentation du symposium
Genre, parcours des médecins généralistes en zone désertifiée
Sandrine CAROLY, Lucie REBOUL
Université Grenoble Alpes - Laboratoire PACTE
Cette communication a pour but de montrer la vulnérabilité des femmes médecin généralistes en zone désertifiée, qui sont confrontées à une charge de travail très élevée, avec des populations ayant des problématiques bio-psychosociales lourdes. Leur pratique de consultation s'orientant vers du care, une approche globale de la santé du patient et la recherche de son autonomie dans le soin, peut les conduire à de l'épuisement, de souffrance mentale avec des difficultés de conciliation travail et hors travail. Quand un équilibre est trouvé entre la relation au patient, le temps, les compétences médicales, le travail en réseau, les femmes médecins généralistes peuvent construire un parcours de santé, qui est en retour bénéfique aux populations vulnérables dans ces zones désertifiées.
Handicap, genre et culture: les barrières systémiques à l'insertion professionnelle
Audrey DUPONT1, Marie LABERGE1, Sylvain LETSCHER2, Normand BOUCHER3
1Université de Montréal, 2Université du Québec à Rimouski (UQAR), 3CIRRIS, Université Laval
Dans le cadre du projet multidisciplinaire Disability, Employment, and Public Policies Initiative, près de 180 personnes, présentant une surdité, une cécité, des incapacités motrices ou des douleurs chroniques et issues de différentes cultures, ont été interviewées à travers le Québec. Grâce à une analyse de l’influence des relations sociales liées au sexe, au genre et aux diversités culturelles, cette recherche a permis de mieux comprendre les enjeux à considérer pour favoriser l’insertion professionnelle et le maintien en emploi de personnes ayant des incapacités. Cette étude a été une opportunité de contribuer au développement de mesures et de programmes visant à promouvoir et à soutenir la participation sociale et professionnelle de ces personnes. Ces connaissances ont mis en lumière des barrières systémiques vécues par des personnes en situation de handicap et pourront contribuer au développement d’une réflexion importante qui milite pour l’évolution des pratiques en ergonomie.
Adaptation de la Technique de l'Autoconfrontation aux Caractéristiques d'une Population à Risque d'Exclusion
Marie LABERGE1, Margaux VIGNET1, Céline CHATIGNY2
1Université de Montréal, 2Université du Québec à Montréal (UQAM)
Cette contribution d'ordre méthodologique présentera des résultats issus de plusieurs années de recherche visant la conception d'environnements capacitants auprès d'une population adolescente en situation de handicap, en tenant compte du genre. La technique de l'autoconfrontation a été abondamment utilisée en clinique d'activité pour favoriser la construction collective de l'activité et l'expérience du métier. Or, cette technique mobilisée auprès d'adolescentes et d'adolescents en apprentissage dans des filières de métier peu qualifié présente quelques défis. Les jeunes visés sont pour la plupart en situation de handicap et éprouvent des difficultés d'évocation et de communication. De plus, les filières peu spécialisées étant très ségrégées selon le genre, la parole sur le travail et sur soi présente quelques enjeux d'image, d'estime de soi et d'identité. Comment adapter cette méthode pour en tirer profit auprès d'une population particulièrement à risque d'exclusion?
Masculinités et santé des travailleuses de métiers à prédominance masculine: mieux comprendre les dynamiques relationnelles genrées pour mieux intervenir en prévention
Jessica RIEL1, Geneviève CLOUTIER2
1Université du Québec en Outaouais (UQO), 2UQO
Les métiers à prédominance masculine sont marqués par la présence de rapports de genre qui affectent particulièrement les travailleuses et peuvent nuire à leur maintien en emploi et à leur santé au travail. Comment agir en prévention pour protéger la santé des travailleuses ainsi que des travailleurs de ces métiers ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’avoir une compréhension approfondie des dynamiques relationnelles qui se mettent en place entre les travailleurs et les travailleuses. Prenant en compte la typologie des masculinités de Connell (2005) et les concepts de masculinité hégémonique et d’homosocialité masculine, cette communication caractérisera les dynamiques relationnelles genrées et comment elles influencent la place de femmes et d’hommes au sein des collectifs de travail masculins à partir d’une analyse qualitative thématique d’entretiens menés auprès de travailleuses et travailleurs de métiers à prédominance masculine du Québec.
Adapter le travail pour toutes et tous? la place de l’équité dans les interventions ergonomiques
Karen MESSING, Vanessa BLANCHETTE-LUONG, Martin CHADOIN
Université du Québec à Montréal (UQAM)
En principe les ergonomes doivent adapter le travail pour "tous". Mais l’ergonome pratique dans un environnement de travail divisé selon le sexe/genre et d’autres caractéristiques. Il y a souvent une grande résistance à transformer ces divisions. "Pour tous" peut se résumer à "pour toutes les personnes dont les besoins sont visibles" ou "pour toutes les personnes qui occupent actuellement ces postes". Or un véritable aménagement du travail pour tous implique une adaptation des moyens et outils en prenant en compte les caractéristiques biologiques des personnes (force, anthropométrie), la division du travail, les modes opératoires, les exigences différenciées de clients, l’activité de conciliation travail/famille ainsi que son articulation avec l’organisation du travail. Pour rendre le travail plus équitable, quels outils pourraient nous aider? Nous examinons quelques situations spécifiques pour questionner notre marge de manœuvre et la manière de l’élargir.